Lors de la 12ème étape du REX BIM Tour, mardi 9 novembre 2021, les intervenants ont pris du recul sur les usages du BIM. A Rouen, retours d’expérience et table-ronde ont ainsi pointé la nécessité d’un usage pragmatique de cet outil, dans une approche largement collective mais aussi teintée d’égoïsme. Décryptage.Rouen2021Coût et rentabilité
Des bords du Doubs aux bords de Seine, les deux derniers REX BIM Tour se sont déroulés dans des environnements inspirants. C’est ainsi que dans l’enceinte du Hangar 10 de Rouen, l’Université de Caen-Normandie et le bailleur social Habitat 76 ont partagé leur expérience du BIM, faisant apparaître non seulement les atouts du BIM, mais aussi les précautions qu’il requiert. « La maquette numérique est très utile pour la synthèse en phase études et chantier, a donné pour exemple Christophe Bidaud, architecte associé, CBA Architecture, missionné par l’Université pour la conception du Centre de recherche en environnement côtier (CREC). C’est aussi un bon outil de médiation, pour échanger avec le maître d’ouvrage. » Cependant, le projet du CREC, pour lequel l’Université avait fourni un cahier des charges extrêmement détaillé, prouve qu’il faut parfois savoir canaliser ses ambitions : « Nous avons dû simplifier des éléments, pour les assimiler, a confié Christophe Bidaud. Le BIM est un outil complexe, qui nécessite de mobiliser une énergie intellectuelle énorme ; il faut donc savoir l’utiliser sans perdre de vue la réalité. » « Le BIM doit être pragmatique, a reconnu de son côté François Caumont, directeur de l’immobilier et de la logistique à l’Université de Caen-Normandie. C’est pourquoi nous avons revu notre stratégie et veillé à ne collecter que les données qui allaient nous servir plus tard, en phase d’exploitation-maintenance. »
Au plus près des utilisateurs
Cette capacité à identifier les données clés fait partie des passages obligés du BIM et exige d’associer en amont les futurs usagers, ce qu’a tenu à faire Habitat 76 : « Nous avons mené dès le départ un processus collaboratif, y compris avec des salariés non acculturés au BIM », a insisté Sébastien Métayer, directeur du développement durable du patrimoine du bailleur social. Collective par essence, la démarche BIM demande aussi paradoxalement une dose d’égoïsme, selon Olivier Celnik, directeur du mastère spécialisé BIM, à l’école des Ponts Paris Tech et à l’ESTP : « Avec sept années de recul, on se rend compte qu’on ne doit pas faire du BIM pour le BIM et que le BIM n’est pas forcément vertueux pour tous. C’est pourquoi je plaide aujourd’hui pour un BIM égoïste, pour que chacun sache pourquoi il fait du BIM et quel est l’apport pour lui. »
Bien légitimes pour un processus encore récent, les questionnements et tâtonnements sont liés aux transformations des métiers induites par le BIM, qui non seulement rebat les cartes des rôles des uns et des autres mais interroge aussi l’équilibre financier des projets.
Quelle équation financière ?
Investissements requis, coûts engendrés, rentabilité espérée, ce triptyque a été au cœur des échanges rouennais. Quand on sait que 75% du coût d’un bâtiment sont issus de son exploitation, on comprend que des propriétaires immobiliers comme l’Université de Caen-Normandie, Habitat 76 ou Immobilière 3F cherchent, à travers le BIM, à faire des économies de frais de fonctionnement. Y parviennent-ils dès à présent ? « Grâce à la numérisation de notre parc francilien de 110 000 logements, nous réalisons une économie annuelle de l’ordre de 500 000 euros par an, via le non-recours à des géomètres », a indiqué Christophe Lheureux, directeur délégué à l’innovation chez Immobilière 3F. En phase conception, en revanche, le bilan comptable est plus complexe à dresser : « Le BIM décloisonne les phases classiques d’un projet, a expliqué l’architecte Christophe Bidaud. Quand on voit qu’on dessine les réseaux dès l’esquisse, on imagine bien que la rémunération de l’équipe de maîtrise d’œuvre doit être adaptée. » Pour que personne ne soit pas économiquement pénalisé, c’est donc toute une équation financière qu’il faut revoir. En se posant les questions dans le bon ordre, a insisté Olivier Celnik : « La question du combien vient à la fin, celle du comment au milieu, alors que la première question à se poser est celle du pourquoi ! »
Une vision à long terme
Pourquoi le BIM, telle est la question ontologique. « Pour une meilleure qualité des projets, répond du tac au tac Olivier Celnik. Avec le BIM, on évite les erreurs de chantier et les dysfonctionnements futurs. » Autant de paramètres à prendre en compte pour en évaluer la rentabilité globale, à long terme, y compris en termes environnementaux et sociétaux. « Nous n’en sommes qu’au début d’une histoire, a conclu Christophe Lheureux, il faudra une génération pour que le BIM réponde à tous les défis qu’on lui fixe ! » Un message reçu 5 sur 5 par les nombreux étudiants présents à Rouen.