Quand, en 2014, le CNES décide de s’appuyer sur le BIM pour construire le futur Ensemble de lancement d’Ariane 6 à Kourou, en Guyane, les connaissances sur cette démarche et ses outils étaient alors peu développées. Les acteurs du projet ont appris en avançant. Retour sur une aventure en tout point hors du commun.
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Les outils du BIM mobilisés
L’échelle du projet (voir encadré), la multiplicité de ses intervenants, leur dispersion aux quatre coins de la planète, la diversité des corps de métier et de leurs méthodes de travail, ainsi que le potentiel d’évolution des différentes technologies spatiales mobilisées justifient le recours à des outils innovants et performants. C’est ce qui explique que, dès l’origine, alors que le BIM est encore balbutiant, le maître d’œuvre (le Centre national d’études spatiales) ait voulu avoir recours aux modélisations 3D – puis 4D – du BIM et à sa dynamique collaborative. Plusieurs maquettes numériques ont été réalisées : architecture et génie civil, charpente métallique, climatisation, énergie, eaux, fluides…
Contraintes rencontrées et solutions apportées
La maturité BIM des différents intervenants et la disparité des logiciels et des formats utilisés ont constitué de premières contraintes de taille. Pour les seuls contrats « infrastructures », quatre logiciels différents ont coexisté : REVIT pour génie civil, la climatisation, l’énergie et les systèmes eaux ; Autocad pour les VRD ; Tekla et Solidwork pour la construction métallique. Sans compter les logiciels spécifiques pour la mécanique ou encore les fluides. « Nous avons dû gérer beaucoup de logiciels, souligne Florent Lucchetti, Ingénieur d’affaires au CNES, avec des problèmes évidents d’interopérabilité. Nous avons assez vite fait le choix de REVIT, tout en sachant que nous ne pouvions pas l’imposer à tous les acteurs, à cause des spécificités des différents logiciels métiers. Nous avons donc dû assurer beaucoup de post-traitement pour pouvoir échanger les maquettes. »
« Le fait que les différents usages de la maquette – visualisation 3D, revue de projet, détection de clash, analyse des interfaces… - se soient précisés au fur-et-à-mesure que nous avancions a représenté une autre contrainte, explique PierreAntoine Maillot, BIM Manager chez BETEM XD. Cela a nécessité une grosse capacité d’adaptation, pour résoudre à chaque fois de nouveaux problèmes. » Idem pour la 4D, « dont il aurait fallu définir les usages en amont », poursuit le Pierre-Antoine Maillot. La structuration de l’information nécessaire à l’obtention d’une synthèse BIM s’est aussi révélée difficile. « Cependant, EIFFAGE nous a apporté son expertise pour la gestion des maquettes infrastructures, se réjouit Florent Lucchetti, L’entreprise a notamment répondu aux exigences de notre Convention BIM, cela nous a aidé. »
Quels bénéfices au total ?
Face à la forte densité de systèmes dans un espace restreint, la présynthèse BIM a constitué une clé pour résoudre la quadrature du cercle de l’agencement, de la coexistence et des synergies entre les équipements.
« Grâce à la maquette, nous avons pu vérifier la compatibilité de process qui sont en cours de développement », fait remarquer Florent Lucchetti. « Contrairement à ce que nous avions vécu sur les pas de tir précédents, la synthèse BIM nous a permis d’avoir beaucoup moins de reprises et de carottages, évalue par ailleurs Florent Lucchetti. C’est un très bon premier résultat par rapport à nos autres chantiers. » Même s’il y a eu des adaptations à opérer et quelques conflits à gérer, le bilan est positif pour la phase de construction et la mise au point du DOE.
ENCADRE
Les contours d’un projet démesuré d’une extrême complexité Construit sur un terrain de 6 166 ha, l’ensemble de lancement d’Ariane 6 – appelé ELA 4 – comprend une zone de lancement, un bâtiment d’assemblage lanceur (BAL), une zone de stockage LOX, une zone de stockage LH2, une station de traitement, une zone de servitudes et une station de pompage. Cette diversité se double d’une complexité d’agencement liée à l’imbrication des entités.
Les + et les –
du BIM pour ce projet
LES +
+ Une communication plus facile entre plusieurs sociétés européennes
+ L’anticipation des conflits avant la réalisation du chantier
+ L’adaptabilité rapide aux évolutions des systèmes
+ La maîtrise de chaque étape clé
LES -
- Le manque de maturité des différents acteurs au moment du démarrage
- Le niveau de détail insuffisant des maquettes
- La difficile structuration de l’information
UNE QUESTION DE LA SALLE
Et si c’était à refaire, vous lanceriez-vous à nouveau ? Avec quel garde-fou ?
Les acteurs du projet ne regrettent pas leur aventure BIM, mais ils pensent qu’ils auraient dû mieux définir les métiers du BIM, créer un poste de BIM Manager pour faire le lien entre tous les référents BIM et mieux identifier les missions des BIM Manager, en conception et en réalisation.