Après six étapes consacrées au BIM bâtiment, celle de la Grande-Motte/Montpellier
s’est intéressée au BIM infrastructures. « Simple » recours à des outils techniques ou
intégration d’une démarche collaborative innovante ? Les échanges ont montré que le
sujet soulève les mêmes questionnements, quel que soit le périmètre du BIM envisagé.
La Grande-MotteTable ronde
Le BIM infrastructures, de quoi parle-t-on ?
Une définition basée sur un périmètre
Tandis que le BIM bâtiment se conjugue le plus souvent à la verticale, lors de la construction ou de la réhabilitation d’un immeuble ou d’une résidence, le BIM infrastructures se décline à l’horizontale, au niveau d’une route, d’un pont ou des réseaux souterrains… « C’est tout l’aménagement qui va graviter autour du projet d’un maître d’ouvrage, a résumé Paul Nativel, PDG et BIM manager chez Téole Ingénierie 3D. C’est un premier pas pour évoluer vers la Smart City. » Plus largement, l’objectif aujourd’hui est avant tout, selon Lionel Guitteny, consultant technique GEOMENSURA, « de casser les frontières entre bâtiment et infrastructures », pour renforcer les interactions entre ces deux niveaux, comme l’a parfaitement illustré le troisième REX (voir page 47).
Des atouts de même nature que pour le bâtiment
Comme dans le bâtiment, l’un des premiers atouts du BIM infrastructures tient à sa capacité à faciliter l’appréhension d’un projet : « Même si on fait de la 3D depuis longtemps, avec le BIM, on va mieux comprendre le projet et mieux se comprendre », a ainsi estimé Lionel Guitteny. « C’est un très bon outil de représentation graphique qui permet aux maîtres d’ouvrage de mieux visualiser leur projet dans l’espace », a surenchéri Jérôme Parzy du bureau d’études Gaxieu Ingénierie. Avant de pointer que le BIM, en infrastructures comme dans le bâtiment, « aide à identifier les interférences de réseaux. » Précision en phase conception, anticipation des clashs en phase chantier, le BIM infra est aussi envisagé comme un levier d’amélioration de la maintenance et de l’exploitation, le maître d’ouvrage récupérant de nombreuses données sur les types de tuyau, de luminaires, etc... Plus généralement, « on va aller vers la maquette numérique de la ville complète, a ajouté Paul Nativel, avec une simulation des flux de voitures, de piétons... de manière à anticiper différentes problématiques de maintenance et d’exploitation. » Grâce au BIM infrastructures, « les maîtres d’ouvrage sauront enfin de quels ouvrages d’art ils sont propriétaires », a enfin jugé Alain-Henri Bellec, vice-président de Cinov Ingénierie.
Quels sont les freins spécifiques au déploiement du BIM infrastructures
Parler un langage commun
Si dans le BIM bâtiment, les éléments d’un projet sont désormais identifiés comme des « objets », en infrastructure, les acteurs n’ont pas encore l’habitude d’utiliser les mêmes codes d’identification : « Il n’y a pas de notion de catégorisation des objets comme dans le bâtiment, a ainsi regretté Gilbert Milard, Business Developper Senior AEC chez Allplan France. Tout le monde ne s’accorde pas sur l’identification d’une voirie ou d’un type de mobilier urbain. » « On a besoin de définir un langage commun, a également affirmé Lionel Guitteny. Pour une bonne interopérabilité, il faut que les objets aient les mêmes noms et que les informations soient rangées au bon endroit, pour une lecture commune. » Projet de recherche mené par l’IDRRIM, l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (voir encadré ci-dessus), le projet MIND a justement vocation à « trouver une écriture commune pour le BIM infrastructures, comme l’a indiqué Alain-Henri Bellec, président du Comité Ingénierie de l’IDRRIM. Cela existe dans le bâtiment, mais en infrastructures, le périmètre des acteurs concernés est plus large, c’est donc plus compliqué. »
Maîtriser le volume de données
Plus large, le périmètre est de surcroît difficile à délimiter : « Beaucoup de personnes et d’organismes ont leur mot à dire dans l’infra, a poursuivi Alain-Henri Bellec. Il peut y avoir les services de voirie, ceux des réseaux, de l’assainissement au encore des télécoms, du gaz et de l’électricité… tous ces concessionnaires doivent apprendre à parler le même langage pour être capables d’échanger. » « Il faut modéliser les réseaux existants pour disposer d’une maquette de base qui évoluera par la suite, a complété Paul Nativel. Cela passe par un accompagnement des maîtres d’ouvrage, pour qu’ils prennent la mesure des gains à venir. » Ces ambitions soulèvent aussi la question de la gestion du volume de données et de « la capacité que nous aurons à nous focaliser sur le nécessaire », a pointé Lionel Guitteny. « C’est un défi également intéressant pour les éditeurs, a estimé Gilbert Milard. Il nous oblige à repenser nos algorithmes. »
BIM bâtiment/BIM infra : des défis communs
Comprendre les enjeux du travail collaboratif
Intervenant en « duplex », via zoom, Hervé Halbout, président de NOVIMAGIE, a considéré qu’au-delà des obstacles techniques, notamment liés aux problèmes d’interopérabilité et d’échanges de fichiers – comme dans le BIM bâtiment – le BIM infrastructures se heurtait à « des freins culturels autour du travail collaboratif. » Prenant l’exemple de la construction d’une ligne de métro, il a souligné que le grand nombre de parties prenantes rendait d’autant plus indispensable la fluidité de ce travail transversal. Face à la réticence au changement et aux nouvelles technologies qui peut parfois exister, un seul remède aux yeux de Lionel Henry : « Il faut faire la démonstration des avantages à venir, ce qui demande beaucoup de communication. »
Former et « passionner » les acteurs
Comme dans le BIM bâtiment, la question de la formation est apparue comme un frein à lever pour que le BIM infra atteigne sa vitesse de croisière et devienne accessible à tous : « Il y a très peu de modules de formation, a déploré Jérôme Parzy. C’est à développer. Mais il faut aussi qu’on arrive à passionner nos collaborateurs. Comme au temps du passage de la table à dessin à l’informatique, nous connaissons un changement de paradigme qui nécessite une forme d’émulation. » Un facteur humain dont Lionel Guitteny a également reconnu l’importance : « Il faut une impulsion de la part des maîtres d’ouvrage, un élan donné par les bureaux d’études et les entreprises de travaux publics. A cet égard, les nouvelles générations devront être motrices. »
Autour de la table
Plusieurs profils d’ingénieurs, issus de
bureaux d’études ou de sociétés éditrices
de logiciels, ont participé à la table ronde :
Alain-Henri Bellec, vice-président de Cinov
Ingénierie, président du Comité Ingénierie
de l’IDRRIM ; Lionel Guitteny, consultant
technique GEOMENSURA ; Paul Nativel,
PDG et BIM manager chez Téole Ingénierie
3D ; Gilbert Milard, Business Development
Senior AEC chez Allplan France; Jérôme Parzy,
référent BIM, chez Gaxieu Ingénierie ;
Hervé Halbout, président de NOVIMAGIE,
membre de l’EFCA et Lionel Henry, Business
Development AEC chez ESRI France.