Dans quelle mesure la maquette BIM peut-elle être le vecteur de projets plus vertueux sur le plan environnemental ? Quelles difficultés les acteurs du secteur du bâtiment doivent-ils aujourd’hui surmonter, aux stades de la conception, de la construction et de l’exploitation, pour s’engager efficacement vers un « BIM vert » ?
Table rondeLille
Une préoccupation récente
Faire de la transition numérique un axe stratégique de la filière du bâtiment, en faveur d’un développement respectueux de l’environnement, telle est l’ambition de la Métropole Européenne de Lille, comme l’a expliqué Rémi Montorio, qui y est responsable BIM/CAO-DAO : « En tant que maître d’ouvrage de bâtiments et d’infrastructures, nous nous appuyons depuis trois ans sur le numérique pour accompagner nos projets et répondre aux impératifs du développement durable sur notre territoire. »
Du partage des données et des maquettes, à l’occasion d’un chantier sur le métro, de la construction de la cité administrative ou d’aménagements urbains, menés par la Métropole, en lien avec la Ville de Lille, la mise en œuvre de plateformes de partage constitue, aux yeux de l’intervenant, un outil novateur de pilotage des politiques urbaines.
Créateur de lien entre les acteurs, le numérique devient aussi la cheville ouvrière de l’élaboration du Plan climat air énergie territorial (PCAET). Ainsi, pour chaque projet, une série d’indicateurs sont scrutés pour garantir que l’opération en cours, sur un bâtiment ou sur une voirie, s’inscrive dans une démarche environnementale vertueuse, attentive au réemploi des matériaux.
Un vecteur d’efficacité
En témoigne le projet en cours autour du musée de plein air à Villeneuve d’Ascq, avec des matériaux biosourcés : « Grâce au BIM, nous allons analyser les options constructives, donne pour exemple Rémi Montorio. Nous aurons des données pour analyser précisément le cycle de vie du bâtiment. » Centre de déploiement de l’éco-transition dans les entreprises et les territoires, le CD2E des Hauts-de-France œuvre depuis 2002 pour la transition écologique à l’échelle régionale. C’est dans cette optique qu’il a lancé son programme Vertuoze, de développement et d’animation de la filière BIM et bâtiment intelligent, à l’attention des professionnels de la métropole lilloise. « Nous constatons que si les acteurs du bâtiment ne se lancent pas au départ dans le BIM pour des raisons environnementales, a fait remarquer Pierric Jourdain, chef de projet au CD2E, ils découvrent petit-à-petit, ensuite, les avantages énergétiques qu’ils peuvent en tirer ». A condition toutefois que les logiciels utilisés soient compatibles. « Il faut que, quand un architecte fait un choix de matériaux, les bureaux d’études du projet puissent effectuer des simulations de performance environnementale, sans avoir à refaire de modélisation », a illustré Pierric Jourdain.
De la nécessité de démystifier, pour une appropriation plus large
Mais cette aventure collaborative est-elle accessible à tous ? Certes des acteurs comme les bailleurs sociaux, la Métropole Européenne de Lille, qui gèrent de gros patrimoines, se dotent d’une réelle stratégie numérique, mais qu’en est-il des petits artisans ? « Le BIM a été biaisé par la présentation initiale de la maquette numérique, ce qui a fait oublier les artisans, a estimé Pierric Jourdain, alors que ces derniers peuvent très bien faire du BIM, simplement avec un fichier Excel. Car c’est de la data dont on a besoin. » D’où l’urgence de communiquer sur le fait que « le BIM s’apparente avant tout à une grosse base de données partagée », a confirmé Julien Chamoin, enseignant-chercheur à HEI. La démocratisation du BIM est urgente aujourd’hui pour qu’on dispose, sur chaque opération, quelle que soit sa taille, d’une information centralisée à mettre à la disposition des mainteneurs. Dans le domaine énergétique notamment, à travers la mise en commun des données indispensables au suivi de la performance énergétique des bâtiments (consommation d’un chauffe-eau, production d’énergie renouvelable, coefficient d’isolation...) et, éventuellement, par le recrutement d’un « énergie manager », qui sera chargé du volet énergétique de la construction.
La formation : un incontournable
Cette démocratisation passe évidemment par la formation, comme l’ont souligné plusieurs étapes préalables du REX BIM Tour : « Il faut que nous puissions rencontrer entreprises, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, pour bien comprendre leurs besoins et adapter nos formations en conséquence », a insisté Julien Chamoin. Avec pour impératif que les entreprises anticipent davantage la formation de leurs équipes, qu’il s’agisse des phases de conception, de construction ou de l’appréhension, plus globale, de la smart city. Consciente des enjeux liés à la formation, la Métropole Européenne de Lille a monté sa propre école du BIM en interne. Réunissant 150 agents, celle-ci les a initiés au sujet et accompagnés dans l’évolution de leurs pratiques, « pour que du technicien au chef de projet, a souligné Rémi Montorio, chacun sache ce qu’il peut tirer du BIM. »
Autour de la table
Ont participé à cette table ronde Julien Chamoin, enseignant-chercheur à HEI, Junia, département « Bâtiments et Environnement Urbain » ; Pierric Jourdain, chef de projet BIM & SmartBuilding, CD2E, Centre de Développement des Éco-entreprises et Rémi Montorio, responsable BIM/CAO-DAO, au sein de la Métropole Européenne de Lille.