Petit à petit, le BIM se diffuse auprès des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre et des entreprises. Où en est-on de ce déploiement en région PACA ? Quels sont les bénéfices perçus par les différents utilisateurs ? Quels sont les besoins de formation et d’accompagnement pour une pleine maîtrise de ces nouveaux outils, à toutes les phases de leurs utilisations potentielles ?
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Quelle est la maturité BIM des acteurs de la région
Grosses entreprises versus petites ?
Si la Métropole Toulon Provence Méditerranée s’intéresse depuis longtemps au BIM, elle n’a pas encore lancé de consultation BIM car, selon Véronique Havet, les maîtres d’œuvre s’y mettent à peine et beaucoup de corps de métier en sont encore loin : « Certains architectes, les entreprises de gros œuvre et des fluides savent utiliser le BIM, a-t-elle estimé, mais les carreleurs, les plâtriers et les peintres par exemple en sont loin. » Est-ce une question de taille ? En partie, pour des raisons de coût, mais pas seulement : selon Julien Mercier, « les petites structures ont l’avantage de l’agilité, alors que les plus grosses font l’objet de plus d’inertie. » Plus pragmatiques, les petites structures seraient plus enclines à se former et à se lancer dans le BIM, quand elles en perçoivent l’intérêt.
Step by step
Si des freins techniques, culturels et financiers demeurent - Jean-Luc Reinero a en effet rappelé que pour les entreprises, et surtout les petites, se mettre au BIM exige un investissement parfois trop lourd – plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance, pour tous, d’y aller petit à petit. « Beaucoup d’entreprises et de maîtres d’ouvrage, notamment parmi les petites collectivités, n’ont pas la capacité de se lancer dans le BIM, a reconnu Julien Mercier. Mais ils peuvent avancer progressivement, avec des choses simples. Avoir une base de données, même si c’est juste un tableau Excel, c’est un premier pas. Il faut surtout qu’ils y trouvent du sens et qu’ils apprennent à réfléchir en termes de management de l’information. » Apprendre, le mot est lancé, il renvoie au principal levier d’accès au BIM.
La formation, le nerf de la guerre ?
Former les opérationnels, convaincre les élus
Passer d’une clé USB à une maquette numérique, c’est une « galaxie d’écart », selon Julien Mercier. Un gap qui nécessite formation initiale et continue. Dès la phase d’étude de programmation, « les maîtres d’ouvrage ont besoin d’être accompagnés pour être en mesure d’intégrer les process et les exigences du BIM », a témoigné Véronique Havet. Mais avant même de former les opérationnels, ne faut-il pas aussi sensibiliser les élus ? La question été posée par quelqu’un dans la salle, une question d’autant plus délicate que le temps politique n’est pas le même que celui des projets de construction et que les enjeux financiers peuvent en décourager plus d’un. L’effort de pédagogie doit porter sur le « sens du BIM », en général, sur les perspectives offertes en termes d’exploitation, de façon plus précise.
Quelles formations ?
Si au CNAM les premières formations pour maîtriser les logiciels BIM remontent à 2013, « avec l’émergence du BIM dans le BTP, des formations en BIM Management et sur la culture du BIM se multiplient aujourd’hui, a affirmé Loïc Pennamen, l’essentiel étant de transmettre une vision managériale, pour appréhender le BIM en tant que processus et non pas seulement comme un outil. » Mais au-delà de la vision, la demande en formation porte sur des métiers nouveaux, comme celui de gestionnaire des systèmes d’information et des connectiques : « Ce ne sont pas les mêmes compétences que les BIM Managers, prévient Benjamin Lepineux. Or, nous avons besoin de personnes qui vont savoir connecter la maquette numérique et la GMAO ». Formation initiale mais aussi formation continue, car « nos équipes doivent monter en compétence, a noté Jean-Luc Reinero, tout en prenant en compte les contraintes inhérentes à la réforme en cours de la formation. Nous allons devons être inventifs pour imaginer des formations en situation ! » Les échanges de la table ronde ont fini de convaincre ses participants qu’ils devaient se parler pour ajuster l’offre de formation aux besoins des différents acteurs ; Gilles Charbonnel, président d’ADN construction, est intervenu depuis la salle pour souligner le rôle de la fédération Cinov dans l’accompagnement des entreprises face à la mutation qu’elles vivent et dans l’appréhension des nouveaux métiers qui vont en découler.
Le BIM au service de l’exploitation/maintenance
Le règne de la donnée SUR...
Mieux identifier les données dont ils ont besoin, telle est la priorité aujourd’hui pour les maîtres d’ouvrage qui se retrouveront, à l’issue d’un projet, avec une maquette numérique entre les mains, cet outil nouveau de gestion et de suivi de l’exploitation et de la maintenance de leur bâtiment. « Plutôt que de rentrer des données au fur-età-mesure, il faut se poser au départ les bonnes questions, a martelé Julien Mercier. Quelles seront les informations dont vous aurez besoin et pour quels usages ? » « L’important pour nous, a surenchéri Véronique Havet, c’est de pouvoir utiliser ces données pour la maintenance de nos équipements : si on livre des projets complexes qui ne sont pas bien exploités ensuite, cela n’a pas de valeur ajoutée. »
Le BIM fil rouge de la vie d’un bâtiment
L’objectif est simple : il faut que les techniciens chargés de la maintenance d’un bâtiment sachent facilement manier la maquette numérique pour changer une pièce ou effectuer un réglage simple. « Pour nous, la maquette numérique est un support d’accès à la donnée, a résumé Benjamin Lepineux, elle permet de centraliser toutes les données sur une seule interface manipulable par les mainteneurs et les exploiteurs. » Avec pour but final d’optimiser les interventions, en termes d’efficacité et de coûts. Quand on sait que 75% du coût d’un bâtiment sont liés à son exploitation, on mesure les enjeux liés à la mise en œuvre du BIM et à son appropriation par tous les acteurs de la chaîne.
Autour de la table
Grâce à la diversité des intervenants conviés, des points de vue différents ont pu s’exprimer tant sur les usages du BIM que sur les besoins de formation ressentis sur le terrain et chez les donneurs d’ordre. Véronique Havet a représenté la Direction du Patrimoine Bâti et des Constructions à la Métropole Toulon Provence Méditerranée ; Benjamin Lepineux, chef de projet à la Direction Marketing & Innovation – Practice BIM & Smart Building, a parlé au nom d’Engie ; tandis que Loïc Pennamen, enseignant au sein de l’unité « maquette numérique » du CNAM PACA a porté la parole des formateurs. Enfin, Julien Mercier, dirigeant IM-PACT et animateur du groupe de travail BIM à la Fédération Cinov, et Jean-Luc Reinero, président sortant de la fédération Cinov PACACorse, ont de leur côté relayé les inquiétudes entendues sur le terrain et proposé des solutions, notamment à travers l’offre de la fédération Cinov.
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Une question qui fait débat : comment gérer le long terme ?
Au stade actuel de déploiement du BIM, plusieurs questions interpellent les acteurs, maîtres d’ouvrage, architectes, bureaux d’études et entreprises : comment stocker à long terme des maquettes très lourdes ? Comment garantir que les projets réalisés avec les logiciels du jour pourront encore être décryptés demain ? « Si on utilise de plus en plus la maquette BIM, il faut être sûr de pouvoir gérer l’évolution des logiciels, a ainsi résumé Véronique Havet. Nous disposons de projets anciens que nous ne pouvons plus exploiter aujourd’hui car nous ne les avons pas mis à jour. » Comment dès lors garantir la pérennité d’une maquette BIM ? Cette question renvoie aux débats sur l’interopérabilité des logiciels et leur actualisation qui ont constitué la toile de fond de tous les retours d’expérience présentés à chaque étape du REX BIM Tour.