Pas toujours facile de se lancer dans le BIM ! Questions de management et d’investissements, mais aussi de choix des bons logiciels par les différents acteurs des projets. Avant d’aborder la problématique de l’interopérabilité – c’est-à-dire la compatibilité des logiciels – les participants à la table ronde de Lyon ont été invités à donner leur définition du BIM. Un premier réglage indispensable pour être sûr de bien se comprendre.
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Le BIM, c’est quoi pour vous ?
Une base de données…
« C’est avant tout une compilation de données », répond sans hésiter Gilles Bereta, représentant du Conseil régional Auvergne Rhône Alpes. Avec un parc de lycées qui représente 5,4 millions de m2 et 2 900 logements de fonction, la collectivité se sert du BIM pour organiser, structurer et manager de la donnée. « Ce n’est pas que nos données soient complexes, précise l’orateur, mais nous avons besoin du BIM pour être en mesure de bien les exploiter. » En interne, tout d’abord, pour « mieux négocier les contrats d’assurance, par exemple » ; mais également en externe « pour partager des données avec les ascensoristes ou les électriciens ». Pour Julien Mercier, aussi, le BIM « c’est de l’information, graphique ou non » : « À partir du moment où vous structurez et digitalisez de la donnée, et que vous permettez qu’elle soit partageable, vous faites du BIM », a tranché le vice-président de la Fédération Cinov. Le BIM serait donc avant tout une base de données partageable, la représentation 3D de la maquette numérique, qui symbolise souvent le BIM ne serait « qu’une des composantes parmi d’autres du BIM », d’après Marc de Fleury, de TRIMBLE.
… doublée d’un processus collaboratif
Recueil de données et modélisation graphique, les atouts du BIM se résument trop souvent à des outils selon Maxime Sagnier, BIM Manager chez IM-PACT : « Le BIM est avant tout un processus collaboratif, qui questionne les façons de travailler ensemble, a jugé le BIM Manager. Le BIM, en amenant les acteurs à travailler ensemble, autour d’une maquette, évite le travail en silo. » Côté maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, « le BIM est un processus collaboratif qui inclut tous les intervenants d’un même projet, a renchérit Emmanuel Di Giacomo, de la société AUTODESK. Il se déploie de surcroît à tous les stades du projet, de la planification à la maintenance. »
Comment surmonter les problèmes d’interopérabilité ?
Les principaux termes retenus, en début de table ronde, pour définir le BIM – constitution d’une base de données et processus collaboratif – impliquent le partage des informations entre tous et posent, par conséquent, la question de l’interopérabilité des logiciels utilisés. La présence autour de la table des éditeurs de logiciels que sont AUTODESK, TRIMBLE et ALLPLAN a rendu les échanges à la fois inédits et constructifs.
Les contours du problème
Architectes, bureaux d’études, spécialistes des fluides ou des structures, entreprises de gros œuvre, électriciens ou peintres, les acteurs de la construction se mettent progressivement au BIM à travers une diversité d’outils. Mais au moment de fusionner leurs fichiers pour contribuer à l’élaboration d’une maquette numérique unique, dans une logique d’Open BIM, la multitude des formats pose problème. Alors qu’une solution existe avec le format IFC, pourquoi le sujet fait-il toujours débat ?
Les solutions proposées
« Face à la diversité des logiciels utilisés pour un même projet – pour le bois, la structure, le béton – le format IFC constitue le seul moyen pour nous de consolider nos données », a plaidé Guillaume VRAY, de la société ALLPLAN, considérant l’IFC comme « un facteur de convergence pour casser le travail en silo encore trop courant. » Si l’IFC constitue une solution, aujourd’hui, elle apparaît cependant insuffisante aux yeux de certains : « La notion d’Open BIM ayant toujours été dans les gênes d’AUTODESK, nous avons été les premiers à promouvoir le format IFC, a indiqué Emmanuel Di Giacomo. Mais il y a d’autres formats que l’IFC pour travailler en Open BIM, car l’IFC est un format d’échange et non pas de travail. C’est pourquoi AUTODESK essaie de développer des partenariats pour trouver d’autres solutions. » « Il n’y a pas une solution meilleure qu’une autre, a tempéré, de son côté, Maxime Sagnier, BIM Manager, elles le sont toutes ! L’essentiel, c’est que les acteurs aient su, en amont, structurer les données et établir des nomenclatures. Si on veut récupérer l’information facilement, il faut avant tout savoir où la chercher dans la maquette. » Dernier aspect à prendre en compte : la question de la pérennité des fichiers a été abordée. « Le risque associé aux fichiers natifs, a rappelé Guillaume Vray, c’est qu’il n’est pas certain qu’on saura les rouvrir dans le futur. Il faut donc s’aligner sur un format commun, l’IFC, que nous avons la chance d’avoir. »
Et pour demain, quels leviers pour un meilleur déploiement du BIM ?
Sensibiliser
Beaucoup de freins existent encore vis-à-vis du BIM, comme vis-à-vis de tout processus de changement. Pour les lever, « il faut que les acteurs voient les avantages du BIM et ne fassent pas du BIM pour faire comme tout le monde, a estimé Maxime Sagnier. « Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour que les maîtres d’ouvrage sachent ce qu’ils veulent exactement, a confirmé Dominique Cena, Vice-président de Cinov Ingénierie. C’est pourquoi la fédération Cinov met en place des actions collectives, des formations et ce REX BIM Tour, qui fait partie du plan BIM 2022. »
Former
Face aux lacunes de formation sur le BIM, notamment dans les écoles d’architecture, tous les intervenants se sont mis d’accord sur la nécessité de vanter auprès des jeunes « les nouvelles approches ouvertes par le BIM et les impacts de cette démarche sur l’organisation des métiers », pour reprendre les termes employés par Emmanuel Di Giacomo, de la société AUTODESK. Si cette appropriation passe par la formation initiale, elle exige aussi la multiplication des modules de formation continue et, selon Guillaume Vray, d’ALLPLAN, « la mise en œuvre de dispositifs d’accompagnement personnalisés pour les entreprises qui se lancent dans un projet. »
Motiver
Aller dans les écoles et les universités pour montrer que le BIM fonctionne et « avoir une attitude positive », telle est la recette d’Emmanuel Di Giacomo : « Des petites agences d’architecture et des petits bureaux d’études s’y sont mis et s’en sortent, c’est cela qui est encourageant et dont il faut faire la publicité ! » Question de volonté et de vision : « Il ne faut pas voir le BIM comme une obligation, mais comme une opportunité, a conclu Marc de Fleury. Et pour décupler ces opportunités, nous avons besoin de vos retours d’expérience, pour savoir ce dont vous avez besoin. Nous sommes tous dans le même bateau ! »
Autour de la table
Trois éditeurs de logiciels ont participé à cette table ronde lyonnaise : Emmanuel Di Giacomo, responsable Europe Développement
des écosystèmes BIM, pour AUTODESK ; Marc de Fleury, directeur commercial chez TRIMBLE et Guillaume Vray, directeur France d’ALLPLAN. À leurs côtés d’autres profils ont permis de diversifier les points de vue sur les sujets abordés : Gilles Bereta, responsable de l’unité « Gestion du patrimoine bâti et foncier », à la Direction de l’éducation et des lycées de la Région Auvergne Rhône Alpes ; Dominique Cena, gérant de CENA INGÉNIERIE et vice-président de CinovIngénierie, référent Rhône-Alpes du GT BIM & Transition
numérique et Maxime Sagnier, BIM manager au sein d’IM-PACT.
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Une question qui fait débat : le BIM est-il incontournable ?
Phénomène de mode ou passage obligé pour le monde de la construction ? Cette question a fait débat. Si d’après Guillaume Vray, de ALLPLAN, « les acteurs qui ne prendront pas le train du BIM resteront sur le quai », Dominique Cena, vice-président de Cinov Ingénierie ne voit pas forcément le BIM comme un impératif : « Est-ce qu’on a vraiment besoin d’une maquette BIM quand les bâtiments que nous construisons sont à 90% des parallélépipèdes ? a-t-il interrogé. Je ne pense pas, d’ailleurs nos clients ne nous demandent pas de maquette BIM ». « Certains de nos clients font des projets BIM sans en avoir la demande, a témoigné Marc de Fleury, de TRIMBLE. Ils se font la main et y trouvent des bénéfices. ». « À la Région, les projets seront bientôt 100% BIM » , a prévenu Gilles Bereta. Et d’ailleurs, si vous regardez ce qui s’est passé en Angleterre : 40% des cabinets d’architectes ont disparu en 10 ans, parce qu’ils n’avaient pas pris le tournant du BIM. » Un bilan qui fait réfléchir.